Pourquoi Julie est-elle venue à la boulangerie très tôt le matin?
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Ma première matinée à la boulangerie
Dimanche est arrivé trop vite. Mme Bergerot, la patronne, m’a donné rendez-vous à 6 h 30 à la boulangerie. Sur le trottoir, Mohamed est déjà au travail devant son magasin, alignant ses cageots de légumes dans le soleil à peine levé: “Bonjour, Julie, vous êtes tombée du lit?”
Il est l’heure et je n’ai malheureusement pas le temps de poursuivre la conversation. En toquant à la porte de derrière, j’ai la boule au ventre. C’est Mme Bergerot qui m’ouvre: “C’est parfait, tu es ponctuelle. Entre vite, je vais te présenter mais très rapidement.”
Ils sont au moins cinq à s’activer en se parlant fort pour couvrir le ronflement des ventilateurs du gros four. Le parfum du pain chaud est partout, mélangé à celui des croissants, de la brioche, avec des arômes de chocolat et peut-être même de fraise. Rien qu’en respirant, j’ai déjà pris trois kilos.
Mme Bergerot m’explique: “Cette salle, c’est le fournil. Ici, c’est Julien qui commande. On y fabrique tout ce qui est boulangerie et viennoiserie. Ne traîne jamais dans le passage. S’il manque des choses en boutique, tu demandes à Julien, à personne d’autre.”
J’ai à peine le temps de dire bonjour que déjà elle m’emmène vers une autre pièce plus au fond: “Là, c’est le laboratoire, ce n’est pas du tout la même chose que le fournil. Denis y prépare toute la pâtisserie avec ses deux ouvriers. Même chose, ici, c’est Denis le patron.”
Je ne savais même pas qu’il y avait une différence. Le fournil, le laboratoire. J’essaie d’intégrer toutes les informations dont elle me bombarde. J’ai l’impression d’avoir douze ans et de faire une visite avec une prof.
En traversant la petite cuisine au pas de course, Mme Bergerot me demande: “Tu n’as pas de blouse?” Je secoue la tête négativement.
Pas le temps de s’émouvoir, elle est déjà dans la boutique: “Il faudra que tu attaches tes cheveux, c’est plus propre. Dès que Vanessa, la vendeuse que tu vas remplacer, sera arrivée, tu l’aideras à tout mettre en place. L’avantage avec toi, c’est que tu connais déjà les produits, parce que tu habites dans ce quartier depuis ton enfance et tu es une cliente permanente. Il faudra faire vite, on ouvre à 7 heures. Pour ce matin, tu te contentes de servir, je m’occupe de la caisse. J’ai confiance en toi mais je sais aussi que même si ça a l’air facile quand est de l’autre côté, pour les débutantes, ça va vite et elles s’embrouillent souvent avec les comptes et la monnaie”.
Elle me regarde: “Tout est clair pour toi?” En fait pas du tout. J’ai peur de faire n’importe quoi, de m’adresser à la mauvaise personne, de ne pas comprendre ce que les clients vont demander. Au secours!
Vanessa arrive. Il est clair qu’elle n’est pas décidée à me faciliter la vie. Elle me parle comme un adjudant et ne laisse rien passer. Dans le fournil, ça s’énerve, les croissants ont eu un coup de chaud. Julien a l’air furieux et personne n’ose lui parler. Au fond, j’aperçois Denis qui gesticule autour de ses gâteaux avec une poche à douille pleine de crème pâtissière.
D’après Gilles Legardinier “Demain j’arrête!”