Que le robot ne faisait-il pas en tant que délégué?
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Le Robot
Quand il sortit des ateliers où il avait été créé, on le jugea tellement parfait qu'au premier moment on se demanda si vraiment il ne fallait pas lui accorder une carte d'identité. Mais, après tout, ce n'était qu'un robot. Physiquement, il n'avait rien de très extraordinaire. Il n'était ni très grand, ni même particulièrement beau. Un homme comme beaucoup d'autres, c'est ainsi qu'il avait été conçu. Peut-être pour dissimuler les incroyables capacités dont on avait doté son cerveau? Car ces capacités étaient tellement vastes qu'elles posaient un souci nouveau: à quoi allait-on employer ce robot? Car la société qui l'avait conçu et toutes ses nombreuses filiales, le robot aurait pu les diriger sans la moindre difficulté. En même temps, il aurait pu assumer la comptabilité générale de tout le réseau de firmes, la direction de tout le personnel, l'ensemble des questions administratives, la responsabilité de tout le secrétariat. Bref, coordonner les quelques centaines de services et les réunir en un seul centre nerveux capable d'envisager n'importe quel problème et de lui donner sans hésiter une solution efficace. Mais comme le directeur général de la société se croyait irremplaçable, on décida de considérer ce robot comme s'il avait été un employé normal, ni plus doué ni moins doué qu'un autre. C'est ainsi que, pour commencer, on le relégua au sous-sol, au rayon de l'expédition. En une seule heure, le robot liquida dix jours de retard, tout le travail de la journée et celui qui était préparé pour le lendemain.
Puis, le robot devint secrétaire. Après une demi-heure de travail, il avait terminé le travail de toutes les dactylos, après quoi il se mit à répondre, anticipant avec génie, à des lettres qui n'étaient pas encore arrivées, bâclant le courrier des jours à venir. Le comité d'administration de la société comprit que jamais on ne pourrait employer le robot dans un endroit où il aurait à côtoyer d'autres employés. Il était urgent de l'isoler, sous peine de provoquer à travers tous les services une irrémédiable épidémie d’infériorité.
On fit donc du robot un délégué. Son travail était complexe, mais bien défini: voyager de ville en ville, faire la liaison entre les diverses filiales de l’entreprise, envoyer régulièrement des rapports et des suggestions.
Pendant un an, le délégué accomplit son travail. Coordonnant, rapportant, voyageant, sans prendre une seule heure de repos. Quant aux milliers de suggestions qu’il fit à la direction, elles permirent à la société de tripler son chiffre d’affaires en un mois. Puis, un jour, on perdit le contact. On avait envoyé le délégué en Italie, il était bien arrivé, il avait adressé un premier rapport. Puis plus rien. Et personne ne connaissait son adresse à Rome.
Les responsables essayèrent de résoudre les problèmes immédiats causés par la disparition du robot, mais en vain. On dut se résoudre à envisager la faillite pour un jour très proche.
Quant au délégué, on le fit rechercher par toutes les polices du monde, mais en vain. On en arriva à imaginer qu'il s'était désintégré. Ce qui était faux. Le robot vivait toujours. À Rome, d'ailleurs. Mais il avait complètement oublié ses fonctions, son rôle, ses responsabilités. Il avait tout oublié. Il passait toutes ses journées dans la petite salle d'un musée de la capitale. Il venait là dès le matin, il n'en sortait qu'à la fermeture. Il était tombé éperdument amoureux d'une chose qui était là, dans une vitrine de ce musée: une ravissante petite pendule du XVIIIe siècle.