D’après le conducteur du camion, la Normandie est …
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La promenade
Cet homme long et plutôt maigre, dans sa veste fourrée, son large pantalon de velours, ses hautes bottes de caoutchouc, cet homme accoudé à la barrière du grand pré, comme les enfants hier, cela ne pouvait être que lui. Et il regardait les poneys. Dans la brume lumineuse, ils semblaient irréels et pourtant ils faisaient partie du paysage: ils avaient toujours vécu là, dégusté cette herbe. «Normandie, paradis des chevaux», avait dit hier le conducteur du camion.
Le comte Hervé de Saint-Aimond ne m'avait pas entendue. Penché en avant, comme fasciné, il suivait chacun de leurs mouvements et moi, je n'avais qu'une chose à faire, m'en aller. Parce que s'il avait choisi de venir au spectacle à sept heures du matin, la maison endormie, ce n'était pas pour être surpris par quelqu’un! Et je me résignais à retourner d'où je venais, sous ma couette, quand des volets ont claqué quelque part, il s'est retourné brusquement et il m'a vue.
Ses sourcils se sont froncés. Je lui ai fait un signe d'amitié. Après avoir hésité, il a répondu: ce n'était donc pas la guerre entre nous. Je suis vite venue près de lui.
«Te voilà debout bien tôt, a-t-il dit.
Son visage s'est éclairé. «Un pied sur terre et un sur mer, en vraie normande!» Il s'est tourné vers son château. C'était son côté sévère, brique et pierre. Le petit matin l'adoucissait. Son regard l'a parcouru comme une personne et j'ai eu l'impression qu'il lui en voulait.
«Le hasard m'a fait capitaine de ce vieux vaisseau en ruine et, finalement, je lui aurai tout donné.»
Je me suis accoudée à la barrière, près de lui. «Es-tu descendue jusqu'à la rivière? Pour toi qui aimes à gagner du temps, ce serait une fameuse occasion. Nous sommes passés sous la barrière. J'avais déjà vu cette rivière avec mes sœurs mais je ne le lui ai pas dit, parce que lorsqu'on fait découvrir à quelqu'un le paysage qu'on aime, un moment il redevient neuf, on en est fier comme si on l'avait créé, on se sent des raisons de vivre.
C'était une rivière secrète et rapide sur laquelle toute une végétation se penchait. Au fond, on voyait des pierres, du bleu et du vert, des grottes mystérieuses. Nous longions le bord de l'eau. Le chemin était une vraie catastrophe; par endroits, des branchages le fermaient complètement et mon pantalon a bientôt été trempé, mes espadrilles n'en parlons pas. Mon compagnon s'est retourné et il a constaté les dégâts.
«Tu n'es guère équipée pour ce genre d'expédition.
Il a souri:
«Merci beaucoup.» Je me suis arrêtée:
«J'ai quelque chose à vous demander …»
Son visage est devenu méfiant.
«Le «monsieur» ne veut pas passer. Est-ce que je peux vous appeler Hervé?
Je suis descendue jusqu'à l'eau. Il fallait bien que je la touche, celle-là, avant de la quitter et même si le souvenir risquait d'être plutôt raté. Ce que je ne touche pas s'efface. Elle a filé, glacée, entre mes doigts. Hervé n'a rien dit quand j'en ai bu. Il m'a tendu la main pour m'aider à remonter. J'avais envie de garder cette main. J'avais envie d'un père. Et je ne l’avais plus.
D’après Janine Boissard «Cécile et son amour»