Comment les instituteurs prennent-ils d’habitude la surveillance à la récréation ? Ils la considèrent comme …
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A la récréation
Il fait froid, j’ai envie de m’asseoir sur le banc avec ma tasse de café. Lundi matin, c’est mon tour de surveillance à la récré. Je ne réagis pas tout de suite au problème d’Amaury, espérant inconsciemment qu’il s’éloigne.
Il n’a pas du tout l’intention de lâcher prise … Bon, je scrute l’horizon à la recherche du malfaiteur et, une fois décomptés cinq manteaux de la même teinte, je reviens à Amaury aux sourcils toujours froncés. Du haut de ses six ans il n’entend pas se laisser faire.
Amaury part en trombe vers son agresseur et tel un chien en arrêt s’immobilise face à un CM1 de trois têtes de plus que lui, qui me jette un regard agacé. D’un mouvement de la main, je lui confirme qu’il est attendu … Il arrive en traînant les pieds et se plante devant moi qui prends un air sévère. Je ne vais pas perdre dix minutes à régler cette affaire.
Jules bombe le torse, hausse la voix, transpire et se met à faire des moulinets avec les bras.
Je force un peu le trait de la maîtresse-offusquée- par-les-gros-mots, le genre instit de
Bien détacher les syllabes, ça marche bien ça, c’est assez efficace. Jules sait que s’il veut retourner à sa partie il a tout intérêt à baisser sa garde. De mauvaise grâce il change de posture.
Fin de la première intervention. En vingt minutes de récréation il faut se préparer à une dizaine de petits faits de ce genre, sans compter les bobos aux genoux, les bosses au front, les ventres malades.
Et il en pleut des «maîtresse il m’a dit ci», «maîtresse il m’a fait ça». Les petits, les grands, les garçons qui se bagarrent «c’est lui qui a commencé», les filles qui se disputent «t’es plus ma copine», etc. Une vraie foire. Pour la plupart des instits, la récréation est un moment dénué d’intérêt, synonyme de surveillance ennuyeuse ou, mieux, l’occasion de passer un moment tranquille dans sa classe. Pourtant, c’est un événement clé dans la journée, un lieu passionnant d’observation. Dans cet espace clos se déroulent le pire comme le meilleur. Les enfants y recréent une microsociété avec des règles qu’ils ont plus ou moins inventées. Ils trouvent des coins reculés pour échapper à la surveillance des adultes, quitte à se servir des toilettes comme repaire. Je me souviens, enfant, d’y avoir vu ma sœur embrasser un garçon. L’un et l’autre avaient à peine dix ans … Dès la maternelle, les petits s’approprient la cour à leur façon, y élaborent leurs relations, façonnent leurs amitiés, élisent des endroits préférés, choisissent des jeux à la mode.
Dominique Deconinck «Le bonheur à l’école»